Par Gilles Bouvaist, à New York
La dernière fois que j’ai entendu parler de Joe Biden de la bouche d’un démocrate, je me trouvais à un meeting d’Hillary Clinton, le soir des primaires dans le Dakota du sud. Obama venait de décrocher la nomination. Ambiance morose et discours jusqu’au-boutiste de la reine de la soirée («Je continue»). Là, un type ressemblant très précisément à Johnny Depp dans Las Vegas Parano se dirige vers moi et m’apostrophe, définitif : «Je ne voterai pas pour Barack Obama, sauf s’il prend Joe Biden comme colistier. Souvenez vous de ce nom : Joe Biden.»
L’opération texto a fait pschitt, l'« exclu » étant tombé à 4 heures 38 du matin après fuites à la TV. Thanks God, je dors avec des boules Quiès.
J’ai un peu le même problème que Joe Biden : j’aime un peu trop parler et faire des digressions, reproche souvent porté contre le sénateur du Delaware (depuis 1973).
Essayons donc d’envisager les différents aspects de sa candidature (on peut lire un portrait très complet de lui ici).
1) Le changement à Washington attendra :
L’été a testé les limites du message de rupture avec la «vieille politique de Washington» comme seule plateforme. Avec Biden, 66 ans, Obama place en seconde position l’insider ultime, ayant passé plus de la moitié de sa vie (encore plus que John McCain) au cœur de l’establishment de Washington, le Sénat, où il est arrivé en 1973. Le candidat démocrate a préféré jouer la sécurité et gonfler son CV en prenant à ses côtés un pro. Au Sénat, Biden a dirigé quelques-uns des postes les plus hauts importants : président du comité judiciaire (qui valide ou non les nominations des juges à la cour suprême) et du comité aux affaires étrangères.
2) La politique étrangère et l’épineuse question irakienne
Avant de révéler son choix, Obama avait évoqué ses critères : «Je veux quelqu’un d’indépendant, quelqu’un qui peut mettre en doute mes notions préconçues et me questionner pour que nous ayons un débat vigoureux à la Maison Blanche.»
Ça tombe bien : Joe Biden a voté en faveur de la guerre en Irak en 2002, a soutenu la nouvelle stratégie adoptée sous la houlette du général Petraeus en Irak juste après John McCain. Ainsi donc, ce qui fut à l’origine du succès d’Obama –son opposition à une guerre immensément impopulaire passe clairement au second plan. La raison ? Une accalmie –relative, forcément, mais réelle– sur le front a diminué la portée de la question face aux questions économiques. Une nouvelle répartition des rôles va sans doute se dessiner : à Obama le message économique, à Biden, la politique étrangère.
Biden, en outre, revient tout juste de Géorgie (il plaide en faveur d’un soutien d’un milliard de dollars pour le gouvernement Saakachvili). Il a été l’un des avocats les plus actifs d’une intervention américaine au Kosovo. Dès 1992, refusant de serrer la main à Slobodan Milosevic, il lui avait déclaré qu’il était un «satané criminel de guerre et [qu’il devrait] être jugé comme tel».
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