Où va John McCain ? Message flou, valses-hésitation, le candidat républicain a beaucoup patiné cette semaine. Son conseiller "informel" en matière économique Phil Gramm, ancien sénateur du Texas (de 1985 à 2002) et figure encore influente du parti, quoique rangée des voitures, a mis les pieds dans le plat mercredi en évoquant la "récession mentale" des Etats-Unis, devenue une "nation de pleurnicheurs". De quoi énerver l'électeur américain qui voit son pouvoir d'achat diminuer, le prix de l'essence grimper, sa maison à crédit s'échapper et l'économie s'effondrer.
McCain a vivement réagi en niant que Phil Gramm soit son porte-parole : "Il ne parle pas pour moi, je parle pour moi." En colère, il a même proposé de le nommer "ambassadeur en Biélorussie" (alors qu'on parlait de Gramm comme d'un possible secrétaire au Trésor d'une administration McCain). Phil Gramm lui, n'a rien souhaité retirer de ses propos, expliquant simplement avoir mal été compris.
Mais le mal est fait : le Washington Post raconte dans un reportage comment, en visite dans le Michigan, le message économique de McCain –plus d'ouverture des marchés, moins de régulations, réduction des impôts sur les sociétés– se heurte au scepticisme des habitants de l'Etat où le taux de chômage est le plus élevé des Etats-Unis.
L'ironie de l'affaire est d'autant plus cruelle est qu'elle soit née de la bouche de Phil Gramm, un républicain très conservateur et ultrapartisan, aujourd'hui vice-président du conseil d'administration d'UBS, une banque suisse par ailleurs touchée de plein fouet par les subprimes. En politique, Gramm, rappelle un vieux portrait de Slate, a longtemps bénéficié de "l'un des préjugés politiques les plus étranges : que la méchanceté est synonyme d'intégrité".
Lors de son passage au Congrès, comme le rappelait il y a quelques mois dans une longue enquête le magazine alternatif Texas Observer, Gramm a beaucoup fait pour la dérégulation du secteur financier américain et par conséquent, avec la crise économique actuelle (son rôle dans l'un de ses amendements au Commodity Futures Modernization Act –la loi de modernisation des contrats à termes sur les matières premières– en 2000 est notamment pointé du doigt).
Un professeur de droit de l'Université du Maryland, Michael Greenberger, remarque dans l'article du Texas Observer que “Gramm a joué un rôle central dans deux crises économiques majeures –la crise du crédit et le prix incroyablement élevé de l'énergie… Ses empreintes recouvrent tous les travaux législatifs qui ont mené à cette situation.”
Ainsi, en choisissant un ayatollah du marché comme plus proche conseiller économique, McCain a choisi de se coltiner, en plus du fardeau des huit années de George W. Bush qui pèse sur sa candidature, un héritage de plus en plus contesté. Pour un candidat qui a lui-même avoué que l'économie n'était pas son point fort, pas sûr qu'il ait choisi de mettre tous les atouts de son côté.
Gilles Bouvaist, à New York
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