Axel à Atlanta (Georgie)

«Il n’y a plus d'essence, me dit Alex, un jeune pompiste originaire d’Éthiopie. Tu n’as pas lu cela dans les journaux ?» Bien sûr, je lui réponds que je suis vaguement au courant. «Depuis quelques semaines c’est comme cela, poursuit-il. Mais toutes les compagnies ne sont pas logées au même niveau. Certaines ont un peu d’essence, d’autres pas du tout». Au pays de la voiture, une telle pénurie dans une grosse ville comme Atlanta, cela a de quoi surprendre !

«Il n’y a pas qu’à Atlanta. Tous les Exxons [Chaîne américaine de stations-essence] de la ville sont logés à la même enseigne, mais dans d’autres États, il y a aussi des pénuries». C’est ainsi que mon interlocuteur m’affirme que le problème se pose également au Tennessee, en Floride et en Caroline du Nord. Ces deux derniers États étant importants pour l’élection américaine, je lui demande comment il prend cela et si ça peut influencer son vote. «De toute façon, je vais voter Obama, tranche-t-il. McCain, il est comme Bush. Rien ne va en ce moment, l’économie ne marche plus, il y a la crise à Wall Street et maintenant, le manque de pétrole. Ils ont montré à la télé des gens qui sont obligés de laisser leur voiture sur le bas-côté. Tu peux être sûr que cela énerve les gens». Dans le magasin de la station-essence, des clients rentrent par moment pour acheter une boisson, ou une barre de céréales. Un vieux monsieur noir parle un espagnol avec un accent cubain. Il remplit visiblement une espèce de Loto et les dépose de temps en temps à la caisse et s’en va en remplir d’autres. Il nous interrompt de temps en temps pour demander à Alex combien il a gagné ou combien il doit payer.
En sortant, j’observe qu’on ne voit aucune voiture, dans cette station, le prix n’est affiché nulle part et des sacs plastiques entourent les pompes pour signifier aux automobilistes que les pompes sont hors service. Je me dirige vers une autre station-essence qui se trouve un peu plus loin. Visiblement, elle peut servir un type d’essence : le «gas regular» est affiché à 4,29 $. Les autres carburants ne sont pas approvisionnées. Cette fois, c’est Eden Salomon qui répond à mes questions. Originaire d’Érythrée, elle a la nationalité depuis peu et compte bien voter. «Ici, on a aussi des problèmes d’approvisionnement. On ne peut servir qu’un seul type d’essence. Bien sûr, cela énerve certaines personnes, mais on n’y peut rien». Pour elle aussi, le choix sera vite fait, «il n’y a pas d’hésitation …»
Deux clients rentrent, j’en profite pour les interroger. Mike Nixon vient d’une autre ville de l’État de Georgia. Pour lui, l’absence de pétrole «n’est pas grave, ce sont les médias qui en parlent, mais j’ai pu en trouver facilement sur mon trajet. Je me suis juste arrêté ici pour acheter quelques choses à boire car il fait chaud». La pénurie ne changera pas son vote, il a «prévu de voter McCain car il semble le meilleur candidat». L’autre client n’est pas d’accord. «Tout ce bordel, c’est à cause de Bush, analyse-t-il. Vivement qu’il parte, rajoute-t-il pendant que nous sortons devant le magasin. Nous nous arrêtons devant la porte en nous poussant sur le côté pour ne pas gêner les éventuels clients. Charles Todwal est un vieux monsieur dont les cheveux crépus commencent à blanchir. Il m’explique qu’il travaille comme ouvrier dans les chantiers. Alors que nous continuons la conversation, une voiture s’arrête à côté de nous.
«Que faites-vous ici, demande un homme en tenue d’agents de police» pendant que son coéquipier consulte un message sur son IPhone et lève à peine la tête pour nous regarder. Je lui explique que je travaille pour des médias français et que je ne fais qu’interroger mon interlocuteur. Le policier me dévisage lentement de la tête au pied. «Vous travaillez comme reporter», me demande-t-il surpris ? Peu satisfait de ma réponse positive, il m’affirme que je ne peux pas rester sur une propriété privée et qu’on les a appelés. Nous décidons d’obtempérer, mais le charme est rompu. Je vois déjà Charles, la tête basse, qui s’éloigne rapidement d’un pas feutré. Il est à quelques mètres de moi quand il lève la main en même temps qu’il se retourne pour me dire qu’il est désolé. Finalement, alors que je m’en vais, j’en viens à penser qu’ici il n’y a pas que le pétrole qui soit « out of order ». Aux USA d’autres choses doivent peut-être remise en ordre.
Axel Ardes in Atlanta
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